dimanche 14 mars 2010

Le pardon du Père

Après le commentaire sur les lectures de ce 4ème dimanche de Carême, laissons-nous toucher par celui de St Pierre Chrysologue :

" Je me lèverai et j'irai vers mon père.Celui qui dit ces paroles gisait à terre. Il prend conscience de sa chute, il se rend compte de sa ruine, il se voit enlisé dans le péché et il s'écrie : je me lèverai et j'irai vers mon père.D'où lui vient ces espoir, cette assurance. Cette confiance ?
Du fait même qu'il s'agit de son père.« J'ai perdu, se dit-il, ma qualité de fils ; mais lui n'a pas perdu celle de père. Il n'est point besoin d'un étranger pour intercéder auprès d'un père : c'est l'affection même de celui-ci qui intervient et qui supplie au plus profond de son cœur. Ses entrailles paternelles le pressent à engendrer de nouveau son fils par le pardon. Coupable, j'irai donc vers mon père. »
Et le père, à la vue de son fils, voile immédiatement sa faute. A son rôle de juge il préfère celui de père. Il transforme tout de suite la sentence en pardon, oui qui désire le retour du fils et non sa perte. Il se jeta à son cou et l'embrassa. Voilà comment le père juge et comment il corrige : il donne un baiser au lieu d'un châtiment.La force de l'amour ne tient pas compte du péché, et c'est pourquoi le Père remet d'un baiser la faute de son fils, il le couvre par ses embrassements. Le père ne dévoile pas le péché de son enfant, il ne flétrit pas son fils, il soigne ses blessures de sorte qu'elles ne laissent aucune cicatrice, aucun déshonneur.
Heureux ceux dont la faute est ainsi remise et le péché pardonné. Gardons-nous donc de nous éloigner d'un tel Père.La seule vue de ce Père suffit pour mettre en fuite le péché, pour éloigner la faute et pour repousser tout mal et toute tentation. Mais si nous nous sommes éloignés du Père, si nous avons dissipé tout son bien par une vie dissolue, s'il nous est arrivé de commettre quelque faute ou méfait, si nous sommes tombés dans le gouffre sans méfait, si nous sommes tombés dans le gouffre sans fond de l'impiété et dans une ruine absolue, relevons-nous enfin et revenons à tel Père, encouragés par un tel exemple.
Quand il le vit, il s'attendrit, il s'attendrit, couru se jeter à son cou et l'embrassa. Je le demande, quelle place y aurait-il ici pour le désespoir, quelle occasion pour une excuse ou pour un semblant de crainte ? A moins peut-être que la rencontre avec le Père ne nous fasse peur et que son baiser nous inspire de la crainte ; à moins peut-être que nous croyions que c'est pour prendre et se venger et non pour accueillir et pardonner que le Père vient et attire son enfant par la main.Mais cette pensée destructrice de la vie, cette ennemie de notre salut est mise hors de combat par ce qui suit : Le Père dit à ses serviteurs : Mangeons et faisons liesse. Mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie il était perdu, et le voilà retrouvé.Après avoir entendu cela pouvons-nous encore retarder notre retour vers le Père ? " (PTP de ce 4ème dim. de Carême)

Parole du jour
2 Co 5, 17-21
(Dimanche 14 mars)

Frères, si quelqu'un est en Jésus Christ,
il est une créature nouvelle.
e monde ancien s'en est allé,
un monde nouveau est déjà né.
Tout cela vient de Dieu :
il nous a réconciliés avec lui par le Christ,
et il nous a donné pour ministère de travailler à cette réconciliation.
Car c'est bien Dieu qui, dans le Christ,
réconciliait le monde avec lui ;
il effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés,
et il mettait dans notre bouche la parole de la réconciliation.
Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ,
et par nous c'est Dieu lui-même qui, en fait,
vous adresse un appel.
Au nom du Christ, nous vous le demandons,
laissez-vous réconcilier avec Dieu.
Celui qui n'a pas connu le péché,
Dieu l'a pour nous identifié au péché des hommes,
afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu.

Peut-être attendiez-vous le récit de l'Évangile de "l'Enfant prodigue" ou "Père miséricordieux" selon l'appellation qu'on lui donne (Lc 15, 1-3. 11-32) . Ce récit qui nous concerne tous car nous sommes à la fois les deux fils.
Le fils prodigue qui dilapide l'héritage reçu à son baptême en menant une vie sans attache à la source de la Vie. Jérémie compare celui-là à
"une chamelle écervelée, courant en tous sens" (Jér 2, 23) ... " il se fixe aux lieux brûlés du désert, terre salée où nul n'habite." (Jér 17, 6) Il est dit dans notre Évangile : "Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien." Vivre ainsi une autonomie égocentrique conduit à l'enfermement, la solitude ... la mort. Et il arrive, heureusement, à la métanoïa, à la conversion, au retour à la Maison Paternelle et à un nouveau regard sur le Père : " il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers." Sans même attendre d'explication, celui-ci redonne à l'égaré sa dignité de Fils : " Vite, apportez le plus beau vêtement pour l'habiller. Mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds." Et c'est la Fête ... la Résurrection à l'œuvre !
Et nous sommes aussi le Fils ainé qui travaille non dans une attache du cœur avec son Père, dans la joie d'œuvrer avec lui, mais qui fait son boulot pour la récompense, l'héritage. Il ne se considère pas de la Maison ( "Il y a tant d'années que je suis à ton service sans avoir jamais désobéi à tes ordres ..."), et comme un mercenaire, il fait pour avoir, et ce qu'il attend, c'est du donnant-donnant. Il se trouve parfait et attend une reconnaissance trébuchante en pièces ou nature (un chevreau) pour sa bonne conduite ... Son cœur est aigri : "Il est comme un chardon dans la steppe : il ne ressent rien quand arrive le bonheur ..." (Jér 17, 6) Lui aussi, il est seul et dans l'enfermement et son cas est peut-être plus grave que celui de son frère car il se croit juste et dans la vérité. Ses yeux sont aveuglés ... Ce qui nous rappelle un autre passage de l'Évangile qui trouve ici toute sa signification : " Je ne suis pas venu appeler les justes (ceux qui se croient juste et qui se carapace dans leur fausse justice), mais les pécheurs." (Mt 9, 13) Le Père quand à lui, s'appuyant sur son cœur paternel sans idées de mal et étonné du comportement de son fils, l'appelle à un nouveau regard : "Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ..."
Les deux, en fait, sont morts, chacun à leur manière, et il faut espérer que le frère ainé soit entré dans la danse ... S'il en est ainsi, la Fête sera double car la parole finale du Père qui fait toute sa joie, nous pourrons l'entendre dite à chacun des deux fils : "Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !" Une nouvelle vie de famille peut commencer, une vie en communion ...
Mais, il y a un troisième Fils, celui de la 2ème lettre au Corinthiens. Et ce Fils n'est ni le prodigue, ni l'ainé, il est l'Unique, car sa vie est en pleine consonance avec la vie du Père. C'est Lui qui donne aux deux fils que nous sommes de se réconcilier avec le Père : " Il (le Père) nous a réconciliés avec Lui (le Père) par le Christ (le Fils incarné) ... Car c'est bien Dieu (le Père) qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui ; il effaçait pour tous les hommes le compte de leurs péchés ..." Comment ce Fils s'y est-il pris : " Celui qui n'a pas connu le péché, Dieu (le Père) l'a pour nous identifié au péché des hommes (c'est librement que le Fils Unique prend sur lui l'histoire du prodigue et de l'ainé), afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu". Cette "justice" qui n'a rien à voir avec un tribunal, mais qui a signification de "justesse" dans le sens d'un "ajustement" à notre vocation créationnelle de fils, perdue par le péché et retrouvée dans le Fils sans péché : " Si quelqu'un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s'en est allé, un monde nouveau est déjà né ..."