samedi 4 octobre 2014


Saint François d'Assise
Samedi 4 octobre
Gal 6, 14-18 - Mt 11, 25-30
Homélie pour la Fête de St François


Création nouvelle, choses nouvelles



« Ce qui compte, c’est la création nouvelle » nous dit St Paul dans la lettre aux Galates (6, 15). Et dans l’apocalypse il est mis sur les lèvres de Jésus : « Voici que je fais toutes choses nouvelles ». ( Ap 21- 5) Mel Gibson, dans le film « La Passion du Christ » met sur la bouche de Jésus, alors qu’il tombe sous la croix et que sa mère vient à lui, ces mêmes paroles : « Femme, voici que je fais toutes choses nouvelles ». Cette création nouvelle, ces choses nouvelles, qui peut comprendre de quoi il s’agit ? … Dans l'Évangile, Jésus nous le dit : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Et les tout-petits peuvent entrer dans le mystère de Dieu : « Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.» (Mt 11, 25-30)


Pauvreté



François est de ces tout-petits. Car il a compris que le "nouveau" de l’Évangile est la « Pauvreté ». Et  que la « Pauvreté » n’était pas quelque chose mais « Quelqu’un ». Ce « Quelqu’un » qui n’avait pas où reposer la tête. Pourquoi ? … Parce que ce « Quelqu’un » était Dieu lui-même. Seul Dieu est vraiment Pauvre ! Il est le Pauvre ! C’est pour cela qu’il est Amour car l’Amour demande la Pauvreté.



L’être humain en tant que créature et donc en tant qu’« être fini » est dans le manque et donc assujetti à la possessivité, ne serait-ce que par l’instinct de conservation. Et c’est bien ce que nous constatons pour nous-mêmes. Il nous est difficile de ne pas nous accaparer ceci, cela, l’autre, des choses et des êtres. Le jugement sur l’autre est une façon de le posséder. Le non pardon aussi etc ... Et nous n’arrivons pas à nous décoller de cette possessivité qui nous englue.



Dieu, lui, qui est le créateur et donc « Être infini » n’a pas de manque. En ce sens il est impassible, c’est-à-dire sans faille, toujours identique à lui-même. Et chacune des personnes divines est dans une pleine dépossession de soi  qui donne la pleine existence aux deux autres. C’est le mystère pascal au sein de la Trinité. Chacune meurt à elle-même et cette désappropriation donne vie à l’autre, aux autres. Dieu est donc « le Pauvre » par excellence car il renonce à tout et dans cette mort à lui-même, il pose l’autre en « en-face » de lui. C’est ce que l’on appelle l’Amour.



Ce fut me semble-t-il l’expérience de François qui en épousant Dame Pauvreté, épousait Dieu lui-même. Et le chemin de pauvreté extérieure n’avait pour lui de sens que comme chemin de dépossession, de désappropriation intérieure pour un Amour d’identification à l’Amour de Dieu : « Nous le verrons tel qu’il est car nous lui serons semblable. » (1jn 3, 2)  C’est en ce sens que : « Celui qui perd sa vie la gagne. » (Mc 8, 35) Dépouillement de l’avoir sous toutes ses formes pour « être ».



Certes, c’est impossible à l’homme, mais comme le dit Jésus, « ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu. » (Mt 19, 26) Et pour ce faire : « Dieu s’est fait homme ». C’est tout le mystère de Noël que François ne cessera de méditer. Pensons à l’ermitage de Greccio, là où il inventa la 1ère crèche vivante. L’enfant dans la mangeoire, c’est Dieu dans la pleine dépossession de lui-même, se livrant entre les mains des hommes qui chercheront à le posséder et à le ramener à eux, à leurs pensées, à leur façon d’être ... Mais l’amour ne se laisse pas enfermer, il échappe à la possession car il est désappropriation. Aussi les hommes vont-ils chercher à le détruire. En Jésus, l’Amour est crucifié ! Et en Jésus, c’est Dieu Trinité qui est cloué au gibet : « Qui me voit, voit le Père » (Jn 14, 9). François aura ce cri : « L’Amour n’est pas aimé ! » Et il le vivra de l’intérieur par identification, recevant les stigmates, signe inscrit dans la chair  de la dépossession de soi et donc de l’amour, d’un amour universel qui englobe jusqu’à la création entière : Aimer comme Dieu aime.



Epousailles



Le chemin que prit François pour cette union au « Dieu Pauvre » fut celui du désert, de la rencontre avec soi-même sans artifice et sans fuite, sans compensation non plus, sous le regard du Christ Pauvre. Il fera l’expérience de son immense miséricorde. Accepter de lâcher ses illusoires richesses, ses possessivités d’ordre affectives, relationnelles, matérielles ou autres dans son cœur transpercé par la lance, pour une purification, en reconnaissant et en acceptant ne pouvoir les lâcher par soi-même. Lâcher l’incapacité à lâcher soi-même. Se déposséder dans l’incapacité à se déposséder soi-même. C’est une épreuve de vérité et donc de véritable humilité qui passe par la souffrance d’une mort à soi. C’est un retournement de l’être, l’accueil de la divinité dans une humanité encore imparfaite. Cela fait mal et en même temps libère : « la douloureuse joie » comme disent les orientaux. Ainsi le Symbole d’Athanase dit-il que dans le Fils incarné, « ce n’est pas la divinité qui a été transformée en la chair, mais l'humanité qui a été assumée en Dieu. » François a compris qu’en Jésus, le Fils incarné,  il s’agissait, dans l’acceptation de son incapacité même, de se laisser assumer en Dieu. Non par confusion mais par rédemption et  identification, le salut et la communion, l’union. 

Eloi Leclerc dans son livre « Sagesse d’un pauvre » fait dire à François dans son dialogue avec Léon, triste de son incapacité à se décoller de lui-même, à se déposséder : «Notre néant, vois-tu, s’il est accepté, devient l’espace où Dieu peut encore créer. » « Il faut tout simplement ne rien garder de soi-même. Tout balayer. Faire place nette. Accepter d’être pauvre (ici dans le sens d’incapacité). Renoncer à tout ce qui est pesant, même au poids de nos faute (se déposséder de tout). Ne plus rien voir que la gloire du Seigneur et s’en laisser irradier. » Pour que cette transformation soit possible, "Tourne ton regard vers Dieu et admire-le. Réjouis-toi de ce qu'il est lui, toute sainteté.» ... « il faut regarder plus haut, beaucoup plus haut » dit-il encore, détourner son regard de soi pour le tourner vers Lui et  faire l’expérience de son regard lumineux et transfigurant : « se laisser irradier par l’amour du Seigneur » et entrer avec lui dans une relation d’épousailles.Le christianisme est nuptial.


En ce sens, François qui aima tant se blottir dans le creux du rocher expérimenta  la Parole du Cantique des cantiques qu’il devait bien connaître et qui fut peut-être sa raison de s’y cacher dans pratiquement tous les ermitages qu’il fonda :


C’est le Bien-aimé qui parle : « Ma colombe, dans les fentes du rocher, dans les retraites escarpées, que je voie ton visage, que j’entende ta voix ! Ta voix est douce, et ton visage, charmant. »

Ce passage est précédé d’un autre qui annonce justement l’accomplissement d’une « Création nouvelle, d’un monde où tout sera nouveau » et qui rappelle le baptême où résonne la parole du célébrant envers le baptisé : « Tu es devenu une création nouvelle, tu as revêtu le Christ. » (Rite du baptême) : 
« Il parle, mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens…Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé, elles se sont enfuies. Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre. Le figuier a formé ses premiers fruits, la vigne fleurie exhale sa bonne odeur. Lève-toi, mon amie, ma gracieuse, et viens… » (Ct 2, 10-14)



Cette transformation ouvre à une véritable fraternité où les relations entre les hommes sont en résonance avec l’amour du  Dieu Pauvre dont les bras sont grands ouverts pour tous et chacun : « Elevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi. » (Jn 12, 32) La croix est le carrefour de la Vie et de la Vie en abondance, de la pleine communion en Lui.



Accomplissement



Je voudrais terminer par le récit de la mort de François qui résume tout son chemin de vie :



« Le saint, tout heureux, et jubilant d'allégresse d'avoir été jusqu'au bout fidèle à sa dame la Pauvreté, leva les mains vers le ciel et glorifia le Christ pour tant de joie : s'en aller vers lui entièrement libre, débarrassé de tout. Car s'il avait agi ainsi, c'était par souci de pauvreté : il ne voulait rien posséder, pas même un habit, qui ne lui eût été prêté par autrui. Pour être parfaitement conforme au Christ crucifié, pendu en croix pauvre, souffrant et nu, il était resté nu devant l'évêque au début de sa conversion, et c'est nu également qu'il voulut sortir de et monde, au moment de la mort. Aux frères qui l'assistaient, il ordonna au nom de l'obéissance dont la charité leur faisait un devoir, de le déposer nu sur la terre après sa mort et de l'y laisser durant le temps nécessaire pour parcourir un mile à pas lents. Quel homme vraiment chrétien, lui qui voulut vivre comme vivait le Christ, mourir comme il est mort, rester, comme Lui, cadavre délaissé après la mort, et qui mérita les honneurs de l'impression en son corps de cette parfaite ressemblance (les stigmates) !

L'heure approchait ; il fit venir tous les frères alors présents dans ce petit poste et, avec quelques paroles de consolation pour adoucir leur chagrin, les exhorta de tout son cœur de père à aimer Dieu … Enfin, sur tous les frères qui l'entouraient il étendit les mains … et il bénit tous ses frères, les absents comme les présents, au nom du Crucifié et par sa puissance.

Il se fit apporter le livre des Évangiles et demanda la lecture du texte de saint Jean qui commence ainsi : « Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde auprès du Père, après avoir aimé les siens qui étaient dans ce monde, il les aima jusqu’à la fin ... »



Enfin, tous les desseins de Dieu s’étant réalisés en lui, son âme très sainte se dégagea de sa chair pour être absorbée dans l’abime de la clarté de Dieu, et le bienheureux s'endormit dans le Seigneur. » (Site "St François d'Assise et Sainte Claire")                   P. Patrice Renier

  Rien ne peut empêcher le Soleil de rayonner

Il faudrait toujours remercier Dieu. Même quand tout ne s’arrange pas comme nous le voudrions. Mais, c’est difficile. Nous manquons toujours à l’espérance. Quand j’étais jeune je demandais parfois des comptes à Dieu, lorsque les choses n’allaient pas comme je le désirais. Et si Dieu faisait la sourde oreille, je me troublais, je m’irritais même. A présent, je ne demande plus aucun compte à Dieu. J’ai compris que cette attitude était enfantine et ridicule. Dieu est comme le soleil. Qu’on le voie ou qu’on ne le voie pas, qu’il apparaisse ou qu’il se cache, il rayonne. Allez empêcher le soleil de rayonner ! Et bien, on ne peut davantage empêcher Dieu de ruisseler de miséricorde !
A la différence du soleil qui rayonne sans nous et par-dessus nos têtes, Dieu a voulu que sa bonté passe par le cœur des hommes. C’est là quelque chose de merveilleux et de redoutable. Il dépend de chacun de nous, pour notre part, que les hommes éprouvent ou non la miséricorde de Dieu. Voilà pourquoi la bonté est une si grande chose. (Tiré du livre La Sagesse d'un Pauvre)
La rencontre du lépreux
Un soir, en se promenant à cheval, François rencontre un lépreux. D'habitude, François, comme tout le monde d'ailleurs, s'enfuit dès qu'un lépreux s'approche d'un peu trop près. La lèpre est une maladie très contagieuse, et la peur de l'attraper, met le malade en dehors de toute vie avec les gens de la ville. Tout le monde fuit dès que la clochette du lépreux retentit ! Pourtant, cette fois – là, François s'arrête, prend le lépreux dans ses bras et l'embrasse ; il remonte à cheval, et quand il se retourne pour saluer une dernière fois le lépreux, celui – ci a disparu. François comprend alors que c'est Jésus lui même qui se présentait à lui sous les traits du lépreux.
Les deux récit se rejoignent. A chacun de trouver le lien et son implication dans sa vie ...