Saint François d'Assise
Samedi 4 octobre
Gal 6, 14-18 - Mt 11, 25-30
Gal 6, 14-18 - Mt 11, 25-30
Homélie pour la Fête de St François
Pauvreté
Création nouvelle, choses
nouvelles
« Ce qui compte, c’est la création nouvelle » nous dit St
Paul dans la lettre aux Galates (6, 15). Et dans l’apocalypse il est mis sur les lèvres
de Jésus : « Voici que je fais
toutes choses nouvelles ». ( Ap 21- 5) Mel Gibson, dans le film « La Passion du Christ »
met sur la bouche de Jésus, alors qu’il tombe sous la croix et que sa mère
vient à lui, ces mêmes paroles :
« Femme, voici que je fais toutes choses nouvelles ». Cette
création nouvelle, ces choses nouvelles, qui peut comprendre de quoi il
s’agit ? … Dans l'Évangile, Jésus nous le dit :
« Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Et les tout-petits peuvent entrer dans le mystère de Dieu : « Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le
Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et
celui à qui le Fils veut le révéler.» (Mt 11, 25-30)
Pauvreté
François
est de ces tout-petits. Car il a compris que le "nouveau" de l’Évangile est la
« Pauvreté ». Et que la
« Pauvreté » n’était pas quelque chose mais « Quelqu’un ».
Ce « Quelqu’un » qui n’avait pas où reposer la tête. Pourquoi ?
… Parce que ce « Quelqu’un » était Dieu lui-même. Seul Dieu est
vraiment Pauvre ! Il est le Pauvre ! C’est pour cela qu’il est Amour
car l’Amour demande la Pauvreté.
L’être
humain en tant que créature et donc en tant qu’« être fini » est dans
le manque et donc assujetti à la possessivité, ne serait-ce que par l’instinct
de conservation. Et c’est bien ce que nous constatons pour nous-mêmes. Il nous
est difficile de ne pas nous accaparer ceci, cela, l’autre, des choses et des
êtres. Le jugement sur l’autre est une façon de le posséder. Le non pardon
aussi etc ... Et nous n’arrivons pas à nous décoller de cette possessivité qui
nous englue.
Dieu,
lui, qui est le créateur et donc « Être infini » n’a pas de manque. En
ce sens il est impassible, c’est-à-dire sans faille, toujours identique à
lui-même. Et chacune des personnes divines est dans une pleine dépossession de
soi qui donne la pleine existence aux deux
autres. C’est le mystère pascal au sein de la Trinité. Chacune meurt à
elle-même et cette désappropriation donne vie à l’autre, aux autres. Dieu est
donc « le Pauvre » par excellence car il renonce à tout et dans cette
mort à lui-même, il pose l’autre en « en-face » de lui. C’est ce que
l’on appelle l’Amour.
Ce fut
me semble-t-il l’expérience de François qui en épousant Dame Pauvreté, épousait
Dieu lui-même. Et le chemin de pauvreté extérieure n’avait pour lui de sens que
comme chemin de dépossession, de désappropriation intérieure pour un Amour
d’identification à l’Amour de Dieu : « Nous
le verrons tel qu’il est car nous lui serons semblable. » (1jn 3, 2) C’est en ce sens que : « Celui qui perd sa vie la gagne. » (Mc 8, 35)
Dépouillement de l’avoir sous toutes ses formes pour « être ».
Certes, c’est impossible à
l’homme, mais comme le dit Jésus, « ce
qui est impossible à l’homme est possible à Dieu. » (Mt 19, 26) Et pour ce faire : « Dieu s’est fait
homme ». C’est tout le mystère de Noël que François ne cessera de méditer.
Pensons à l’ermitage de Greccio, là où il inventa la 1ère crèche
vivante. L’enfant dans la mangeoire, c’est Dieu dans la pleine dépossession de
lui-même, se livrant entre les mains des hommes qui chercheront à le posséder et
à le ramener à eux, à leurs pensées, à leur façon d’être ... Mais l’amour ne se
laisse pas enfermer, il échappe à la possession car il est désappropriation.
Aussi les hommes vont-ils chercher à le détruire. En Jésus, l’Amour est crucifié !
Et en Jésus, c’est Dieu Trinité qui est cloué au gibet : « Qui me voit, voit le Père » (Jn 14, 9).
François aura ce cri : « L’Amour
n’est pas aimé ! » Et il le vivra de l’intérieur par identification,
recevant les stigmates, signe inscrit dans la chair de la dépossession de soi et donc de l’amour,
d’un amour universel qui englobe jusqu’à la création entière : Aimer comme
Dieu aime.
Epousailles
Le chemin que prit François pour
cette union au « Dieu Pauvre » fut celui du désert, de la rencontre
avec soi-même sans artifice et sans fuite, sans compensation non plus, sous le
regard du Christ Pauvre. Il fera l’expérience de son immense miséricorde.
Accepter de lâcher ses illusoires richesses, ses possessivités d’ordre
affectives, relationnelles, matérielles ou autres dans son cœur transpercé par
la lance, pour une purification, en reconnaissant et en acceptant ne pouvoir les
lâcher par soi-même. Lâcher l’incapacité à lâcher soi-même. Se déposséder dans
l’incapacité à se déposséder soi-même. C’est une épreuve de vérité et donc de
véritable humilité qui passe par la souffrance d’une mort à soi. C’est un
retournement de l’être, l’accueil de la divinité dans une humanité encore
imparfaite. Cela fait mal et en même temps libère : « la douloureuse joie » comme disent les orientaux. Ainsi le Symbole d’Athanase dit-il que
dans le Fils incarné, « ce n’est pas
la divinité qui a été transformée en la chair, mais l'humanité qui a été
assumée en Dieu. » François a compris qu’en Jésus, le Fils incarné, il s’agissait, dans l’acceptation de son
incapacité même, de se laisser assumer en Dieu. Non par confusion mais par
rédemption et identification, le salut
et la communion, l’union.
Eloi Leclerc dans son livre « Sagesse d’un pauvre » fait
dire à François dans son dialogue avec Léon, triste de son incapacité à se décoller
de lui-même, à se déposséder : «Notre
néant, vois-tu, s’il est accepté, devient l’espace où Dieu peut encore créer. » « Il
faut tout simplement ne rien garder de soi-même. Tout balayer. Faire place
nette. Accepter d’être pauvre (ici dans le sens d’incapacité). Renoncer à tout ce qui est pesant, même au
poids de nos faute (se déposséder de tout). Ne plus rien voir que la gloire du Seigneur et s’en laisser
irradier. » Pour que cette transformation soit possible, "Tourne ton regard vers Dieu et admire-le. Réjouis-toi de ce qu'il est lui, toute sainteté.» ... « il faut regarder plus haut, beaucoup
plus haut » dit-il encore, détourner son regard de soi pour le tourner
vers Lui et faire l’expérience de son
regard lumineux et transfigurant : « se
laisser irradier par l’amour du Seigneur » et entrer avec lui dans une
relation d’épousailles.Le christianisme est nuptial.
En ce sens, François qui aima
tant se blottir dans le creux du rocher expérimenta la Parole du Cantique des cantiques qu’il
devait bien connaître et qui fut peut-être sa raison de s’y cacher dans
pratiquement tous les ermitages qu’il fonda :
C’est le
Bien-aimé qui parle : « Ma colombe, dans les
fentes du rocher, dans les retraites escarpées, que je voie ton visage, que
j’entende ta voix ! Ta voix est douce, et ton visage, charmant. »
Ce
passage est précédé d’un autre qui annonce justement l’accomplissement d’une « Création nouvelle, d’un monde où tout
sera nouveau » et qui rappelle le baptême où résonne la parole du
célébrant envers le baptisé :
« Tu es devenu une création nouvelle, tu as revêtu le Christ. » (Rite du baptême) :
« Il parle, mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens…Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé, elles se sont enfuies. Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre. Le figuier a formé ses premiers fruits, la vigne fleurie exhale sa bonne odeur. Lève-toi, mon amie, ma gracieuse, et viens… » (Ct 2, 10-14)
« Il parle, mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens…Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé, elles se sont enfuies. Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre. Le figuier a formé ses premiers fruits, la vigne fleurie exhale sa bonne odeur. Lève-toi, mon amie, ma gracieuse, et viens… » (Ct 2, 10-14)
Cette transformation ouvre à une
véritable fraternité où les relations entre les hommes sont en résonance avec
l’amour du Dieu Pauvre dont les bras
sont grands ouverts pour tous et chacun : « Elevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi. » (Jn 12, 32) La croix est le carrefour de la Vie
et de la Vie en abondance, de la pleine communion en Lui.
Accomplissement
Je voudrais terminer par le récit
de la mort de François qui résume tout son chemin de vie :
« Le saint, tout heureux, et jubilant d'allégresse d'avoir été
jusqu'au bout fidèle à sa dame la Pauvreté, leva les mains vers le ciel et
glorifia le Christ pour tant de joie : s'en aller vers lui entièrement libre,
débarrassé de tout. Car s'il avait agi ainsi, c'était par souci de pauvreté :
il ne voulait rien posséder, pas même un habit, qui ne lui eût été prêté par
autrui. Pour être parfaitement conforme au Christ crucifié, pendu en croix
pauvre, souffrant et nu, il était resté nu devant l'évêque au début de sa
conversion, et c'est nu également qu'il voulut sortir de et monde, au moment de
la mort. Aux frères qui l'assistaient, il ordonna au nom de l'obéissance dont
la charité leur faisait un devoir, de le déposer nu sur la terre après sa mort
et de l'y laisser durant le temps
nécessaire pour parcourir un mile à pas lents. Quel homme vraiment
chrétien, lui qui voulut vivre comme vivait le Christ, mourir comme il
est mort, rester, comme Lui, cadavre délaissé après la mort, et qui
mérita les honneurs de l'impression en son corps de cette parfaite
ressemblance (les stigmates) !
L'heure approchait ; il fit venir tous les frères alors présents dans
ce petit poste et, avec quelques paroles de consolation pour adoucir leur
chagrin, les exhorta de tout son cœur de père à aimer Dieu … Enfin, sur tous
les frères qui l'entouraient il étendit les mains … et il bénit tous ses
frères, les absents comme les présents, au nom du Crucifié et par sa puissance.
Il se fit apporter le livre des Évangiles et demanda la lecture du
texte de saint Jean qui commence ainsi : « Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant
que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde auprès du Père, après
avoir aimé les siens qui étaient dans ce monde, il les aima jusqu’à la fin ... »
Enfin, tous les
desseins de Dieu s’étant réalisés en lui, son âme très sainte se dégagea de sa
chair pour être absorbée dans l’abime de la clarté de Dieu, et le bienheureux
s'endormit dans le Seigneur. » (Site "St François d'Assise et Sainte Claire") P. Patrice Renier
Rien ne peut empêcher le Soleil de rayonner
Il
faudrait toujours remercier Dieu. Même quand tout ne s’arrange pas
comme nous le voudrions. Mais, c’est difficile. Nous manquons
toujours à l’espérance. Quand j’étais jeune je demandais parfois des
comptes à Dieu, lorsque les choses n’allaient pas comme je le désirais.
Et si Dieu faisait la sourde oreille, je me troublais, je m’irritais
même. A présent, je ne demande plus aucun compte à Dieu. J’ai compris
que cette attitude était enfantine et ridicule. Dieu est comme le soleil. Qu’on le voie ou qu’on ne le voie pas, qu’il apparaisse ou qu’il se cache, il rayonne. Allez empêcher le soleil de rayonner ! Et bien, on ne peut davantage empêcher Dieu de ruisseler de miséricorde !
A la différence du soleil
qui rayonne sans nous et par-dessus nos têtes, Dieu a voulu que sa
bonté passe par le cœur des hommes. C’est là quelque chose de
merveilleux et de redoutable. Il dépend de chacun de nous, pour notre
part, que les hommes éprouvent ou non la miséricorde de Dieu. Voilà
pourquoi la bonté est une si grande chose. (Tiré du livre La Sagesse d'un Pauvre)
La rencontre du lépreux
Un
soir, en se promenant à cheval, François rencontre un lépreux.
D'habitude, François, comme tout le monde d'ailleurs, s'enfuit dès qu'un
lépreux s'approche d'un peu trop près. La lèpre est une maladie très
contagieuse, et la peur de l'attraper, met le malade en dehors de toute
vie avec les gens de la ville. Tout le monde fuit dès que la clochette
du lépreux retentit ! Pourtant, cette fois – là, François s'arrête,
prend le lépreux dans ses bras et l'embrasse ; il remonte à cheval, et
quand il se retourne pour saluer une dernière fois le lépreux, celui –
ci a disparu. François comprend alors que c'est Jésus lui même qui se
présentait à lui sous les traits du lépreux.
Les deux récit se rejoignent. A chacun de trouver le lien et son implication dans sa vie ...
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